Evénement

Dans les Ecrits de linguistique générale, Saussure propose, mais sans la développer, la distinction heuristique: (événement vs état): «Ce n’est peut-être qu’en linguistique qu’il existe une distinction sans laquelle les faits ne seront compris à aucun degré, (…). Telle est en linguistique la distinction de l’état et de l’événement; car on peut se demander si cette distinction, une fois bien reconnue et comprise, permet encore l’unité de la linguistique, (…).» (p. 233). À l’appui de l’intuition de Saussure, il faut admettre que Wölfflin dans ses analyses renvoie le style classique à la pérennité de l’état et le style baroque à l’éclat de l’événement: «Son intention est d’atteindre non pas à une perfection du corps architectonique, à la beauté de la “plante”, (…) mais à l’événement, à l’expression d’un certain mouvement du corps» tandis que la Renaisssance (…) vise partout à la permanence et à l’immobilité.» (Renaissance et baroque, p. 134). Sinon l’événement n’a pas – à quelques exceptions près: Valéry, Foucault, Deleuze – la place qu’il mérite. La relation de l’événement au discours est pour ainsi dire tautologique: qu’est-ce qui est à communiquer à l’énonciataire, en un mot à discourir, sinon ce survenu qu’il ignore ? En effet, l’événement est le corrélat objectal du survenir. L’appartenance de l’événement au champ catégoriel de la tensivité est, en première approximation, triple: (i) eu égard au paradigme des modes d’efficience confrontant le survenir au parvenir, l’événement présuppose le survenir; (ii) rapporté à l’alternance entre l’implication et la concession, l’événement a pour assiette la concession, de sorte que la supériorité attribuée à la concession doit également être étendue, aux dépens du prosaïsme des états, à l’événement; (iii) enfin, si l’intensité est un syncrétisme résoluble en sub-valences de tempo et de tonicité, il doit en aller de même pour l’événement: le tempo de l’événement est bien entendu vif, mais qu’est-ce à dire au juste? la célérité du survenir détermine pour le sujet sidéré comme un temps négatif, croissant qui rejette le sujet hors de son “soi” ; pour la tonicité, elle est extrême, puisque la concession, laquelle est au principe de l’événement, a cette vertu d’amplifier et de maximiser la tonicité vécue; cette saturation de la tonicité signifie pour le sujet une “tempête” modale qui voit le subir supplanter l’agir: médusé, le sujet constate que la contenance modale, qui lui permettait de faire face en développant un contre(contre-programme), s’est évanouie.

(voir concessionsurvenir)