Extensif

L’œuvre de Hjelmslev contient trois couples: (intensif vs extensif), (intense vs extense) et (intensional vs extensional). Le troisième couple mentionné étant à notre avis négligeable, nous envisagerons les couples (intensif vs extensif) et (intense vs extense). La distinction (intense vs extense] intéresse la catégorisation linguistique; sont dits “extenses” les grandeurs qui dans chaque plan marquent une direction: les modulations dans le plan de l’expression, les morphèmes verbaux dans le plan du contenu. La dynamique dans les deux plans est du ressort des grandeurs extenses. L’importation de ce terme est délicate, car pour Hjelmslev le contraste est bien entre une dynamique et une statique, alors que le point de vue tensif considère deux dynamiques distinctes et projette “deux” grammaires distinctes: une grammaire intensive et une grammaire extensive. Le couple (intensif vs extensif) apparaît dans les dernières pages de La catégorie des cas,mais non dans les Prolégomènes«Ce choix d’un seul terme de la zone comme base du système dépend d’un principe selon lequel une seule case doit être choisie comme intensive, alors que les autres cases sont extensives. La case qui est choisie comme intensive a tendance à concentrer la signification, alors que les cases choisies comme extensives ont une tendance à répandre la signification sur les autres cases de façon à envahir l’ensemble du domaine sémantique occupé par la zone.» (La catégorie des cas, pp. 112-113). Les homologations s’imposent d’elles-mêmes:

Le point de vue tensif reprend ces données en les décalant:

S’il nous est permis de le dire, le point de vue tensif explicite la relation obscure entre l’intensité et l’extensité, entre l’énergie et l’étendue, et intervient comme médiation plausible entre le modèle hjelmslevien tourné vers l’étendue et le modèle deleuzien tourné vers l’énergie. Dans les deux modèles cependant, l’intensité stricto sensu, c’est-à-dire la tension entre l’/éclatant/ et le /faible/ est latente, tandis qu’elle est manifestée, exprimée dans le modèle tensif de corrélation inverse:

Selon Deleuze, la relation entre l’intensité et l’extensité est asymétrique, de sorte que leet ordinaire est ici fallacieux et il convient de le remplacer par les prépositions directrices:de l’intensité à l’extensité. Comment l’entendre au juste ? Quelque étrange que puisse paraître la demande, il faudrait s’habituer à penser l’intensité comme un dividende, l’extensité comme un diviseur et la valeur comme un quotient: la langue n’est-elle pour Saussure et Hjelmslev une métaphore de l”algèbre” ? Cette demande n’est pas la seule à prendre en compte: l’intensité étant mieux vécue que connue, il convient de lui rendre la place qui est la sienne, comme le préconise Cassirer: «Ce qui fait problème, c’est moins le contenu de la mythologie que l’intensité avec laquelle il est vécu, et la foi qu’on lui accorde au même titre que n’importe quel objet existant effectivement.» (La philosophie des formes symboliques, tome 2, p. 20). Si nous filons la métaphore algébrique (ou arithmétique), le sacré tel que le conçoit Cassirer dans La philosophie des formes symboliques serait de dividende un, de diviseur un, donc sans déperdition.

(voir extensitéintensitéintensiftensivité)