Tonalisation

Le terme peu courant de tonalisation appelle deux remarques: (i) il estemprunté à l’œuvre de G. Bachelard et ce n’est certainement pas par hasard: la faculté d’empathie, l’enthousiasme communicatif qui lui était propre lui imposait de créer sa propre langue”; (ii) dans le plan de l’expression, le lexique de la tonicité a servi à caractériser l’intensité, et conduit, pour notre entreprise personnelle, à effacer la distinction entre la dimension de l’intensité et la sous-dimension de la tonicité. Le recours au terme detonalisation évite, nous semble-t-il, cet inconvénient. Penser l’atonisation est plus aisé et donc plus courant que penser la tonalisation. On le sait: en présence du dilemme propre à la dualité des modes d’efficience: parvenir ou survenir? Bachelard n’admettait que le survenir, le jaillissement de l’image: «L’image poétique n’est pas soumise à une poussée. Elle n’est pas l’écho d’un passé. C’est plutôt l’inverse: par l’éclat d’une image, le passé lointain résonne d’échos et l’on ne voit guère à quelle profondeur ces échos vont se répercuter et s’éteindre. Dans sa nouveauté, dans son activité, l’image poétique a un être propre, un dynamisme propre. Elle relève une ontologie directe. C’est à cette ontologie que nous voulons travailler.» (La poétique de l’espace, pp. 1-2). Dans Différence et répétition, G. Deleuze fait de l’intensité la contrepartie de la diversité et de l’inégalité qui en découle:«Tout phénomène renvoie à une inégalité qui le conditionne. Toute diversité, tout changement renvoient à une différence qui en est la raison suffisante. Tout ce qui se passe et qui apparaît est corrélatif d’ordres de différence: différence de niveau, de température, de pression, de tension, de potentiel, différence d’intensité. (…) Partout l’Ecluse.» (Différence et répétition, p. 286). La thèse de Bachelard étant plutôt syntagmatique, celle de Deleuze plutôt paradigmatique, les deux points de vue se complètent si l’on adopte le point de vue développé par Saussure dans les Principes de phonologie et dans certains passages des Ecrits. Dans ces textes, tout se passe comme si Saussure était à l‘écoute de Valéry: «Il s’agit de trouver la construction (cachée) qui identifie un mécanisme de production avec une perception donnée.» (Cahiers, tome 1, p. 1283). Ce «mécanisme de production» est pour Saussure le jeu des implosions et des explosions dans la chaîne phonique lequel est au principe d’une morphogenèse dégageant notamment le «point vocalique» et la «frontière de syllabe». Que l’on invoque l’energeia, laphoriel’allant catalysable de l’être, ou encore le rythme comme Claudel, O. Paz ou Deleuze, un isomorphisme éclairant s’esquisse puisqu’il reprend la tension génératrice qui ajuste heureusement l’un à l’autre le int– et le ext– :

 tonalisation

(voir extensifextensitéintensifintensitésurvenir)