Tonicité

Le terme de tonicité est emprunté au plan de l’expression et nous fournit l’opposition basique (tonique vs atone). La tonicité est la seconde sous-dimension de l’intensité et contracte une corrélation converse avec le tempo. La tonicité est aisée à connaître dans le plan de l’expression: l’accent dit tonique est décrit comme une triple augmentation: de hauteur, de longueur, de force. Nous n’avons rien de tel dans le plan du contenu. Nous devons donc envisager une autre approche: celle que suggère l’accommodation. La perception n’est pas une simple réception, un enregistrement, mais un ajustement et selon la musicologue G. Brelet comme une rectification appropriée: «Lorsque le son croît, il occupe une place de plus en plus grande dans la conscience: il l’envahit, la rend passive à l’égard de lui-même et solidaire du monde, lui aussi envahi de ses vibrations. Mais lorsque le son décroît et parvient jusqu’aux frontières du silence, c’est sa subjectivité qui croît: (…) il faut alors le soutenir de notre activité, et il n’existe plus qu’en la secrète solitude d’une conscience qui le dispute et le ravit au silence et au néant; (…) Ici encore l’expression musicale est l’expression d’un acte – d’un acte qui donne l’être au son et qui doit être d’autant plus intense que le son l’est moins …» (G. Brelet, Le temps musical, tome 2, pp. 417-418). Cet agir intime est conditionné et n’a lieu que dans l’intervalle défini par le trop et le trop peu. Si le trop est atteint, le sujet est déporté de la sphère familière de cet agir vers celle du subir. La tonicité ne pouvant “être regardée les yeux dans les yeux”, sa connaissance est donc indirecte et tout indique qu’il faut admettre qu’elle a pour plan du contenu le changement de contenance modale du sujet, revirement que l’excès ou le défaut de tonicité déterminent. Dans les Pensées, Pascal développe en termes admirables ce motif: «Bornés en tout genre, cet état qui tient le milieu entre deux extrêmes se trouve en toutes nos puissances. Nos sens n’aperçoivent rien d’extrême; trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit, trop de distance et trop de proximité empêche la vue, trop de longueur et trop de brièveté de discours l’obscurcit, trop de vérité nous étonne (j’en sais qui ne peuvent comprendre que, qui de zéro ôte 4, reste zéro);» (Œuvres complètes, pp. 1208-1209).

(voir, atonisationtonalisationtempo)