Objet

La langue française ne dispose pas comme la langue allemande d’un couple de termes: Gegenstand/Objekt, permettant d’entrée de prévenir certains malentendus. Comme pour bien d’autres termes, la sémiotique, tard venue comme discipline rigoureuse, a été précédée par la philosophie et pour ce point particulier par l’épistémologie. Dans la perspective hjelmslevienne, l’approche de l’objet se veut strictement cognitive et ne conserve de l’objet que sa texture relationnelle: «Les “objets” du réalisme naïf se réduisent alors à des points d’intersection de ces faisceaux de rapports; (…)» (Prolégomènes, p. 36). Avec la définition de la structure, cette proposition constitue la charte du structuralisme “raisonnable”. Mais la conséquence que Hjelmslev en tire plus loin: «Il se constituerait ainsi, en réaction contre la linguistique traditionnelle, une linguistique dont la science de l’expression ne serait pas une phonétique et dont la science du contenu ne serait pas une sémantique. Une telle science serait alors une algèbre de la langue qui opérerait sur des grandeurs non dénommées (…)». (Ibid., p. 102) aboutit à confier la phonétique et la sémantique à la substance et dans une certaine mesure à les disqualifier. La conception de l’objet avancée par la sémiotique greimassienne est tributaire du primat accordée à lanarrativité. Mais si l’on convient, ainsi que le recommandait Greimas lui même, de “sortir de Propp”, la problématique de l’objet se présente sous un jour nouveau. La démarche consiste à rapatrier l’objet dans l’espace tensif et à observer ce qui se passe en intensité et enextensité. En intensité, l’objet de valeur est détenteur de l’«accent de sens» (Cassirer): «Le mythe s’en tient exclusivement à la présence de son objet, à l’intensité avec laquelle celui-ci assaille la conscience à un instant déterminé et prend possession d’elle.» (La philosophie des formes symboliques, tome 2, p. 57). Corrélativement, l’objet se définit par le quantumd’imprévu qu’il projette en se manifestant: «Le seul noyau un peu ferme qui semble nous rester pour définir le mana est l’impression d’extraordinaire, d’inhabituel et d’insolite.»(ibid., p. 103). En extensité, l’objet, dans la mesure où il est soumis aux opérations de tri et de mélange propres à la syntaxe extensive, se définit par ce que nous suggérons d’appeler son coefficient de composition en discours; cet indice est faible, voire nul, quand c’est une valeur d’absolu qui est traitée; il est élevé, voire infini, quand il s’agit d’une valeur d’univers. Ces deux déterminations constituent le plan du contenu de l’objet; les autres caractéristiques de l’objet relèvent du plan de l’expression de l’objet. Il serait souhaitable de réserver le terme d’“objet” au plan du contenu et celui de “chose” à celui de l’expression, mais nous sommes bien conscient que ce souhait est tout à fait irréalisable. S’il fallait à tout prix proposer un motif de concordance entre ces différentes approches, nous dirions que, si la syntaxe intensive nous présente une activation de l’objet et une passivation du sujet, la syntaxe extensive restitue au sujet des possibilités de traitement des objets dans la perspective ouverte par Greimas et Fr. Bastide.

(voir intersectiontensivitéréseaudéfinitionsurvenir)