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Valeur

Le concept de valeur demeure quelque peu déroutant: en effet à peine sacentralité est-elle affirmée que le concept se dérobe et se disperse. Dans le Cours de linguistique générale, Saussure identifie valeur et différence et pose la signification comme différentielle. Hjelmslev ignore pratiquement le terme et la négativité foncière que Saussure lui impute. Pour Greimas, le terme intéresse les structures narratives de surface à un double titre: la quête de l’objet de valeur par le sujet de quête au principe du récit et du mythe et la constitution de l’objet de valeur qui est l’une des tâches de la culture. À partit de ces acquis, le point de vue tensif avance deux propositions: dans le plan du contenu, une valeur est analysable-définissable comme intersection de deux valences distinctes: une valence intensive et une valence extensive. En second lieu, un paradigme est ébauché lequel distingue, sous bénéfice d’inventaire, entre des valeurs d’absolu visant l’exclusivité et des valeurs d’univers visant la diffusion, donc symétriques et inverses des précédentes: ici priorité accordée au mélange, là au tri.

(voir valenceintersectiondéfinition)

Valence

Comme le terme d’isotopie, forgé à partir de l’adjectif “isotope” courant en chimie, le terme de valence est importé du vocabulaire de la chimie. À notre connaissance, cet emprunt est d’abord le fait de Cassirer dans La philosophie des formes symboliques:«Cette transformation a lieu lorsque des significations – ou des “valences” – différentes sont attribuées aux différents moments du devenir fuyant.» (Philosophie des formes symboliques, tome 3, p. 178.). Grosso modo les valences occupent dans l’hypothèse tensive la place dévolue aux sèmes jusque-là. Toutefois, les valences se distinguent des sèmes sous quatre rapports au moins. Les valences seraient en nombre fini, ce qui n’est pas le cas des sèmes, même si dans les années 70 il était admis, par analogie avec les succès de l’analyse phonologique, qu’une vingtaine de paires de sèmes suffirait pour décrire la totalité des microunivers sémantiques existants. L’affirmation de la finitude de l’inventaire des sèmes se heurte au fait que pratiquement les sèmes se confondent avec l’inventaire ouvert des adjectifs dits qualificatifs en langue. En second lieu, les valences sontinterdéfinies, isomorphes et solidaires les unes des autres en vertu de relations de dépendance strictes. En troisième lieu, les valences s’inscrivent dans l’espace tensif, lequel est une “image” plausible du champ de présence, ce qui n’est pas le cas des sèmes. Du point de vue figuratif, si les sèmes sont des traits et des participes passés, les valences sont plutôt des vecteurs et des participes présents en devenir aussi longtemps que l’aspectualité n’a pas stoppé leur élan.

(voir valeur)

Tri

Le tri est, avec le mélange, l’une des deux grandes opérations de la syntaxe extensive, c’est-à-dire de la syntaxe qui intéresse les états de choses. La coexistence et la collaboration des deux types d’opérations rend compte du processus de configuration du monde décrit par Cassirer: «La distinction spatiale primaire, (…) est la distinction entre deux provinces de l’être: une province de l’habituel, du toujours-accessible, et une région sacrée, qu’on a dégagée et séparée de ce qui l’entoure, qu’on a clôturée et qu’on a protégée du monde extérieur.» (La philosophie des formes symboliques, tome 2, p. 111). Ainsi sont mises en place deux sphères, celle du sacré et du profane. L’opération de tri dégageant le sacré présente deux caractéristiques opposées: (i) une caractéristique disjonctive: la formation d’un «templum (…) (qui) remonte à la racine grecque tem-,couper, et ne signifie rien d’autre que ce qui est découpé, ce qui est délimité.» (ibid., p. 127); (ii) une caractéristique “prosodique”: telle grandeur, ici telle région, reçoit en dernière analyse: gracieusement? – un accent, tantôt un “accent de sens”, tantôt un “accent sacral”; tout se passe comme si la grandeur accentuée, quelle que soit l’isotopie envisagée, confisquait “à son profit”, arbitrairement? la phorie des grandeurs non accentuées, c’est-à-dire du point de vue interprétatif, désaccentuées. Si une opération de tri parvient à son terme, elle aboutit à l’information d’une valeur d’absolu éclatante et exclusive, pour ceux qui sont persuadés de leur bien-fondé, mais que leurs contempteurs s’empresseront de dire: éclatante mais exclusive.

(voir mélangespatialité)

Tonicité

Le terme de tonicité est emprunté au plan de l’expression et nous fournit l’opposition basique (tonique vs atone). La tonicité est la seconde sous-dimension de l’intensité et contracte une corrélation converse avec le tempo. La tonicité est aisée à connaître dans le plan de l’expression: l’accent dit tonique est décrit comme une triple augmentation: de hauteur, de longueur, de force. Nous n’avons rien de tel dans le plan du contenu. Nous devons donc envisager une autre approche: celle que suggère l’accommodation. La perception n’est pas une simple réception, un enregistrement, mais un ajustement et selon la musicologue G. Brelet comme une rectification appropriée: «Lorsque le son croît, il occupe une place de plus en plus grande dans la conscience: il l’envahit, la rend passive à l’égard de lui-même et solidaire du monde, lui aussi envahi de ses vibrations. Mais lorsque le son décroît et parvient jusqu’aux frontières du silence, c’est sa subjectivité qui croît: (…) il faut alors le soutenir de notre activité, et il n’existe plus qu’en la secrète solitude d’une conscience qui le dispute et le ravit au silence et au néant; (…) Ici encore l’expression musicale est l’expression d’un acte – d’un acte qui donne l’être au son et qui doit être d’autant plus intense que le son l’est moins …» (G. Brelet, Le temps musical, tome 2, pp. 417-418). Cet agir intime est conditionné et n’a lieu que dans l’intervalle défini par le trop et le trop peu. Si le trop est atteint, le sujet est déporté de la sphère familière de cet agir vers celle du subir. La tonicité ne pouvant “être regardée les yeux dans les yeux”, sa connaissance est donc indirecte et tout indique qu’il faut admettre qu’elle a pour plan du contenu le changement de contenance modale du sujet, revirement que l’excès ou le défaut de tonicité déterminent. Dans les Pensées, Pascal développe en termes admirables ce motif: «Bornés en tout genre, cet état qui tient le milieu entre deux extrêmes se trouve en toutes nos puissances. Nos sens n’aperçoivent rien d’extrême; trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit, trop de distance et trop de proximité empêche la vue, trop de longueur et trop de brièveté de discours l’obscurcit, trop de vérité nous étonne (j’en sais qui ne peuvent comprendre que, qui de zéro ôte 4, reste zéro);» (Œuvres complètes, pp. 1208-1209).

(voir, atonisationtonalisationtempo)

Tonalisation

Le terme peu courant de tonalisation appelle deux remarques: (i) il estemprunté à l’œuvre de G. Bachelard et ce n’est certainement pas par hasard: la faculté d’empathie, l’enthousiasme communicatif qui lui était propre lui imposait de créer sa propre langue”; (ii) dans le plan de l’expression, le lexique de la tonicité a servi à caractériser l’intensité, et conduit, pour notre entreprise personnelle, à effacer la distinction entre la dimension de l’intensité et la sous-dimension de la tonicité. Le recours au terme detonalisation évite, nous semble-t-il, cet inconvénient. Penser l’atonisation est plus aisé et donc plus courant que penser la tonalisation. On le sait: en présence du dilemme propre à la dualité des modes d’efficience: parvenir ou survenir? Bachelard n’admettait que le survenir, le jaillissement de l’image: «L’image poétique n’est pas soumise à une poussée. Elle n’est pas l’écho d’un passé. C’est plutôt l’inverse: par l’éclat d’une image, le passé lointain résonne d’échos et l’on ne voit guère à quelle profondeur ces échos vont se répercuter et s’éteindre. Dans sa nouveauté, dans son activité, l’image poétique a un être propre, un dynamisme propre. Elle relève une ontologie directe. C’est à cette ontologie que nous voulons travailler.» (La poétique de l’espace, pp. 1-2). Dans Différence et répétition, G. Deleuze fait de l’intensité la contrepartie de la diversité et de l’inégalité qui en découle:«Tout phénomène renvoie à une inégalité qui le conditionne. Toute diversité, tout changement renvoient à une différence qui en est la raison suffisante. Tout ce qui se passe et qui apparaît est corrélatif d’ordres de différence: différence de niveau, de température, de pression, de tension, de potentiel, différence d’intensité. (…) Partout l’Ecluse.» (Différence et répétition, p. 286). La thèse de Bachelard étant plutôt syntagmatique, celle de Deleuze plutôt paradigmatique, les deux points de vue se complètent si l’on adopte le point de vue développé par Saussure dans les Principes de phonologie et dans certains passages des Ecrits. Dans ces textes, tout se passe comme si Saussure était à l‘écoute de Valéry: «Il s’agit de trouver la construction (cachée) qui identifie un mécanisme de production avec une perception donnée.» (Cahiers, tome 1, p. 1283). Ce «mécanisme de production» est pour Saussure le jeu des implosions et des explosions dans la chaîne phonique lequel est au principe d’une morphogenèse dégageant notamment le «point vocalique» et la «frontière de syllabe». Que l’on invoque l’energeia, laphoriel’allant catalysable de l’être, ou encore le rythme comme Claudel, O. Paz ou Deleuze, un isomorphisme éclairant s’esquisse puisqu’il reprend la tension génératrice qui ajuste heureusement l’un à l’autre le int– et le ext– :

 tonalisation

(voir extensifextensitéintensifintensitésurvenir)

Tensivité

La tensivité n’est rien d’autre que la relation de l’intensité à l’extensité, des états d’âme aux états de choses. Pour autant qu’on puisse l’entrevoir, la raison d’être d’un système, sémiotique ou non, réside dans le contrôle, la grammaticalisation d’une altérité: entre procès et système pour Hjelmslev, entre syntaxe et sémantique pour Greimas. Il est question d’établir entre deux entités plurielles, nombreuses, des échanges, une circulation, de fixer les règles grammaticales d’une bonne “communication”. Ce qui suppose que les deux entités soient analysables en unités stabilisées, comme le précise Saussure dans les pages définitives qu’il consacre à la centralité de la valeur dans le CLG. C’est en ce sens que, par raccourci, il nous est arrivé d’écrire que la tensivité n’était que le commerce de la mesure intensive et du nombre extensif. En effet, à l’instar des notes en musique, nos affects sont d’abord, peut-être seulement la mesure des transformations que les événements provoquent en nous, tandis que sur la dimension extensive, celle des états de choses, nous procédons, à partir des classifications propres à notre univers de discours, à des transferts d’une classe à l’autre conduisant à des dénombrements plus ou moins précis: faut-il inclure, comme beaucoup de sociétés se sont posé la question, les insectes dans la classe des animaux? le vent dans la classe des êtres animés?

(voir intensitéextensité)

Temporalité

Le corpus des réflexions et des analyses relatives à la temporalité appelle une décision, peut-être un parti-pris. Nous avançons l’hypothèse que la temporalité est dans la dépendance des modes d’efficience, ce qui revient à dire qu’il y a un temps du parvenir et un temps du survenir. La morphologie et la syntaxe sont ici indissociables. Le temps du parvenir étant long, le sujet est porté à l’abréger dans le dessein de “gagner”, de “récupérer” du temps, dans l’exacte mesure où le temps du survenir étant bref, voire instantané, le sujet est désireux de l’allonger :

 temporalite

(voir mode d’efficiencetempo)

Tempo

Le tempo, autrement dit la vitesse, est une sous-dimension de l’intensité. L’opposition basique est (vif vs lent). Au titre de sous-dimension de l’intensité, le tempo entre en corrélation converse avec l’autre sous-dimension intensive: la tonicité. Cette corrélation fonctionnerait comme un produit. Cette demande exorbitante de la part d’une discipline humaniste se fonde sur deux considérations: (i) si, comme on le répète à l’envi, le tout est supérieur à la somme des parties, le produit est une façon réglée de dépasser la somme; (ii) la démesure de certains affects, de certains “transports” demande un multiplicateur immanent. À l’égard des sous-dimensions de l’extensité, à savoir le temps et l’espace, la corrélation est inverse: une grandeur temporelle ou spatiale étant posée, l’accélération respectivement abrège et rétrécit, tandis que la décélération allonge la durée et dilate l’espace. Pour le sujet, l’accélération soudaine, subite autant que subie, génère des asynchronismes, c’est-à-dire des événements, tandis que le ralentissement est au principe des attentes et des impatiences. Tandis que l’affirmation de l’efficacité subjectalede la tonicité est admise sans grande difficulté, le rôle du tempo demeure sous-estimé, malgré cet avis autorisé de Valéry: «Cette vitesse joue dans toutes nos pensées, elle est impliquée dans toutes nos pensées – et il ne peut pas en être autrement.» (Cahiers,tome 1, p. 805).

(voir dimensiontonicité)

Survenir

Couplé avec le parvenir, le survenir est l’un des deux modes d’efficience, c’est-à-dire l’une des deux manières pour une grandeur d’accéder au champ de présence et de s’y établir. Le survenir est pour le sujet bouleversant, mais les raisons de ce “tumulte” ne se laissent pas dire aisément, puisque la clarification suppose, selon la doxal’absence même de ce qui est à analyser! Le survenir doit sa véhémence affective à l’ardeur des sub-valences de tempo et de tonicité qu’il met en jeu: l’accélération “folle” et la saturation tonique vécues à son corps défendant par le sujet n’entrent pas dans une “somme”, mais bien – sans qu’on puisse en fournir la démonstration à ce jour – dans un “produit” qui les décuple. Sans ce postulat indémontrable, comment comprendre le caractère extatique du survenu? Un verbe en français résume la démesure affective du survenu: le survenir précipite et nous précipite. En effet, il représente une crise fiduciaire radicale: ne vaut-il pas comme réalisation soudaine de l’irréalisable? Sans s’annoncer, sans surtout prévenir, le survenir virtualise la contenance modale du sujet dont il anéantit ex abrupto les compétences validées. Il arrête le temps et peut-être même l’inverse en ce sens que le sujet s’emploie à reconstituer le temps de l’actualisation, le temps des préparations et des calculs que le survenir a justement anéanti; le temps s’arrête parce que le sujet s‘efforce de restaurer a posteriori cet “avant-temps” qui lui fait gravement défaut. Enfin le survenir boucle, bouche l’espace: perdant ses dépendances et ses lignes de fuite, l’espace se contracte et se réduit au “là” qui vaut alors momentanément comme sans “ailleurs” accessible. Le sujet est ravi de la sphère familière de son agir et projeté dans celle étrange du subir. Sans traiter ce point comme il le mérite, indiquons d’un mot que la problématique du survenir est déjà au centre des analyses d’Aristote dans la Poétique, la tragédie ayant pour ressorts certains les péripéties et les reconnaissances agencées. La philosophie, l’anthropologie, la linguistique, la rhétorique et la littérature se sont approchées de cet antécédent que l’avènement du discours précisément dérobe. Pour la tradition philosophique, nous mentionnerons le motif “antique”, récurrent de l’étonnement auquel Descartes dans Les passions de l’âme a pour ainsi dire donné une nouvelle jeunesse: «Lors que la première rencontre de quelque objet nous surprent, & que nous le jugeons estrenouveau, ou fort différent de ce que nous connoissions auparavant, ou bien de ce que nous supposions qu’il devait estre, cela fait que nous l’admirons & et sommes estonnez. Et pour ce que cela peut arriver avant que nous connoissions aucunement si cet objet nous est convenable, ou s’il ne l’est pas, il me semble que l ‘Admiration est la première de toutes les passions.» (Les passions de l’âme, pp. 108-109). L’accès au champ discursif se présente ci comme une intrusion appréciée. Descartes n’eût pas manqué d’être bien surpris s’il avait pu prendre connaissance des descriptions du sacré par les anthropologues: «On rapporte en particulier que l’expression de manitou est employée partout où la représentation et l’imagination sont excitées par quelque chose de nouveau et d’extraordinaire: si, pendant la pêche, on attrape une espèce encore inconnue de poissons, celle-ci fait naître aussitôt l’expression de manitou.» (Cassirer, La philosophie des formes symboliques, tome 2, p. 104). Pour la linguistique, les choses se présentent de façon singulière, puisque la problématique du mode d’efficience concerne la structure phrastique. Le consensus adopte comme pivot la phrase déclarative, ce qui ne mène pas très loin. DansLes figures du discours, Fontanier fait valoir, pertinemment de notre point de vue, que la phrase interrogative est susceptible de deux directions: le doute ou l’étonnement, ce qui rapproche la phrase interrogative de la phrase exclamative, laquelle peut, à ce titre, prétendre au rôle de pivot structural. Il reste alors à “caser” la phrase déclarative dans ce dispositif. Dans le Traité des prépositions, V. Brøndal est, à notre connaissance, l’un des rares linguistes à s’être inquiété de ce point intrigant: «Tandis que les relations positives (symétrique, transitive, connexe…) posent la relation (r) sous sa forme propre ou équilibrée, autonome ou immanente, toutes les relations négatives (asymétrique, intransitive, inconnexe…) indiquent le point final de la phrase et par-delà celui-ci un objet (R) transcendant indépendant de la phrase elle-même – un objet justement créé par la synthèse de toutes les relations relatives: par deixis (asym.), par fixation (intr.), par isolation (inconn.), etc.» (Traité des prépositions, p. 85). Comme le notent dans leur commentaire H. Jørgensen et F. Stjernfelt : «(…) nous voyons le sujet du discours en train d’élargir les zones de validité du discours en rattachant, de manière relationnelle et descriptive, de plus en plus d’objets au monde du texte.» (Langage, n° 86, p. 83). SelonBrøndal, cette visée attribuée au discours est dans la dépendance de la convergence entre d’une part, les «formes de relation», c’est-à-dire, dans la terminologie greimassienne, des structures élémentaires de la signification, d’autre part des «espèces de relation» relatives aux trois couples empruntés à la logique: (symétrie vs asymétrie), (transitivité vsintransitivité) et (connexité vs inconnexité). Un objet-événement accède dans le champ de présence et s’y maintient comme singularité, étrangeté; ses traits négatifs: asymétrie, intransitivité et surtout inconnexité mettent en échec la relativité de l’extensité, laquelle est un compromis entre le “tout se tient” trop lâche et l’unicité trop marquée; ce moment est tendanciellement exclamatif et actualise sa résolution, c’est-à-dire l’inversion des traits négatifs, qui, si elle aboutit, demandera l’équanimité, elle aussi tendancielle de la phrase déclarative, soit:

 survenir

Ces catégories sont celles que retient Wölfflin dans ses analyses, mais dans l’ordre inverse, ce qui signifierait que l’ordre choisi est une variable propre à un univers de discours. Pour la rhétorique, Fontanier, à la différence de Dumarsais, fait une place à l’exclamation et l’analyse qu’il propose en appelle aux valences intensives: «L’Exclamation a lieu lorsqu’on abandonne tout à coup le discours ordinaire pour se livrer aux élans impétueux d’un sentiment vif et subit de l’âme.» (Les figures du discours, p. 370). On le voit: c’est l’exclamation, c’est-à-dire l’après, qui catégorise son avant comme «discours ordinaire». La démarche inverse n’aurait aucun sens. Certains écrivains ont tenté de s’approcher de ce moment où le discours se défait pour marquer par sa dislocation même la disproportion qui saisit le sujet. Nous songeons à certains passages du texte d’A. Artaud intitulé Van Gogh le suicidé de la société où nous voyons le «discours ordinaire» céder la place à des grandeurs inconnues, “barbares”, afin de signifier la violence d’une irruption littéralement indicible: 

«Sans littérature, j’ai vu la figure de van Gogh, rouge de sang dans l’éclatement de ses paysages, venir à moi,

kohan
taver
tensur
purtan

dans un embrasement
dans un bombardement
dans un éclatement;
vengeurs de cette pierre de meule que le pauvre van Gogh porta toute sa vie à son cou.
La meule de peindre sans savoir pour quoi ni pour où.» 

(Œuvres complètes, vol. 13, p. 49)

Que si l’on demande: existe-t-il un lieu de convergence entre ces différentes approches? Nous avançons la réponse suivante: c’est à partir de l’extensité la catalyse de l’intensité, c’est-à-dire la prosodisation du contenu à laquelle Cassirer nous invite dans le second volume de La philosophie des formes symboliques«Le mana et le tabou ne servent pas à désigner certaines classes d’objets; ils ne font que présenter l’accent particulier que la conscience magique et mythique met sur les objets. Cet accent permet de décomposer la totalité de ce qui est et de ce qui arrive en deux sphères, une sphère signifiante qui éveille et enchaîne l’intérêt mythique, et une sphère insignifiante qui laisse indifférent cet intérêt. On peut donc dire, de manière à la fois injuste et erronée, que la formule du mana-tabou est autant le fondement du mythe et de la religion que l’interjection est le fondement du langage. Il s’agit, dans ces deux notions, de ce qu’on pourrait appeler des interjections primaires de la conscience.» (La philosophie des formes symboliques, tome 2, p. 104). Nous pouvons maintenant nommer ces grandeurs rien moins qu’étrangères qui surgissent dans le texte d’Artaud: «vives et subites», ce sont les marques du mode d’efficience marqué, à savoir le survenir. Ce serait de notre point de vue un contresens que d’y voir des onomatopées. Le survenir est bien entendu un chapitre majeur de la manipulation: le piège, l’embuscade, le traquenard, la ruse, la traîtrise exploitent la possibilité pour l’homme le plus averti d’être surpris et défait…

(voir événementparvenirtempo)